par Marine Vigneau, historienne

En 2018, nous entamons la dernière année de célébration du centenaire de la Première Guerre Mondiale. Depuis quatre ans, la France célèbre par différents moyens (expositions, documentaires télévisés, films ou encore témoignages et livres) cette guerre qui aura laissé une empreinte indélébile dans l’Histoire de notre pays. Mais qu’en est-il dans nos villages? Il n’y a pas un coin de France qui n’ait été touché par la guerre 14/18. Les soldats morts au front et les civils impactés venaient de partout en France mais aussi d’ailleurs, dans les anciennes colonies françaises. Tous et toutes, soldats, civils ont participé à l’effort de guerre, à la revanche contre l’Empire de Prusse et ses alliés. Les hommes sont en majorité au front et les femmes dans les usines ou dans les champs.

Les enfants sont inclus dans l’effort national, ils n’apprennent plus à compter avec des bouts de bois mais avec des obus. Les magasins de jouets vendent des reproductions de matériels militaires et les journaux vantent les exploits de la France. Partout, on peut lire que les balles allemandes traversent les corps des soldats français sans leur infliger des blessures graves. C’est le temps de la propagande pour combattre le désespoir national, durant ce qui fut la première guerre industrielle de l’histoire mondiale.

En 1914, au moment de l’entrée en guerre, la France reste perdante du dernier conflit qui l’opposa à l’Allemagne : c’est la défaite de 1870. Elle perd l’Alsace et la Lorraine et se voit obligée de payer une dette de cinq milliards de francs-or à son pire ennemi. Cette dette est remboursée au prix de nombreux efforts des Français, qui travaillent dur pour renflouer l’économie et permettre au pays de redevenir une puissance. La France joue aussi sur ses anciennes colonies pour remonter l’économie d’après-guerre. Avant même la guerre de 14, les Français doivent se soumettre au sacrifice national pour le bien économique.

Quand le pays entre en guerre, le gouvernement français ne s’attend pas à ce que le conflit dure plus d’un an. La guerre doit être “éclair”, ne pas perdurer, car la France ne peut pas se permettre un trop long conflit, n’étant en effet pas suffisamment préparée économiquement et matériellement. Mais l’Union Sacrée (phénomène national qui conduit tous les partis politiques d’un pays à soutenir le gouvernement entrant en guerre, et ce, pour la durée du conflit armé et pour voter les crédits de guerre) fait la force du pays. Tous les français, mains liées, entrent en guerre pour défendre une cause qu’ils pensent juste ; ils partent alors de nos villages, persuadés de revenir très vite.

La première année est terrible, des pertes innombrables des deux côtés, une boucherie inhumaine qui met à mal le moral des troupes et des civils, plus que touchés par les bombardements. 320.000 morts pour la seule année de 1914. La France tient le coup mais s’enterre dans les tranchées. Se met en place une guerre de position, où on tue l’ennemi à coup d’obus, de couteaux, de fusils et mitrailleuses et où l’on meurt aussi de froid, de faim, de mauvaises conditions d’hygiène, de maladies… Les soldats sont au plus mal, l’État-Major français les envoie se faire tuer, comme de la chair à canon. Ils ne sont plus que des pions que l’on déplace pour faire plier l’ennemi. L’espoir diminue à mesure que les corps s’entassent et que les saisons défilent. Les mutineries émergeant, les idées pacifistes se faufilent dans les tranchées françaises et ennemies, les rumeurs prennent du terrain et les civils sont confrontés à l’horreur de la guerre. Le pays se questionne sur son sacrifice, sur ses vies humaines brisées, les violences contre les civils, la faim qui taraude. L’espoir national disparaît au terme d’une guerre d’épuisement et de lutte perpétuelle, entre faire ce qui est juste et détruire l’aigle prussien. En 1918, c’est la fin de la guerre ; l’entrée américaine à nos côtés, en 1917, a aidé à vaincre l’adversaire. La guerre est gagnée et la paix signée au terme d’un armistice humiliant pour l’Allemagne (qui nous rendra la pareille en 1940). En 1918, les soldats reviennent et les civils retournent à leur vie d’avant. Les mutilés de guerre, que l’on nommera les “gueules cassées”, rappellent aux français le prix du sacrifice.

Les années 20 et 30 marquent la célébration du conflit. Dans les villages de France, au terme de délibérations communales, les mairies commandent toutes un monument aux morts. Le monument aux morts de Cuzion est inauguré le 30 octobre 1921 par le Maire de Cuzion, Monsieur Delage, en présence des représentants des communes avoisinantes (Eguzon, Saint-Plantaire, Gargilesse, Le Pin et Bazaiges), du député Bénazet et des familles des héros des communes indirectement touchées par le conflit (blessés ou morts), pour qui l’on souhaite rappeler le nom de ces fils partis trop tôt, sacrifiés au nom de la diplomatique étrangère. Les familles, brisées, pleurent les morts et les saluent d’un dernier adieu.

Aujourd’hui, ils sont des souvenirs de grands-parents, d’arrière-grands-parents, d’oncles… Les monuments deviennent des lieux de mémoire, de commémoration et de rendez-vous annuel. Il n’y a pas un cimetière qui ne contient pas de sépulture des héros de cette guerre, qui ont donnés leurs vies sans toutefois comprendre les tenants et les aboutissants d’une guerre inutile et barbare. Chaque 11 novembre, nous nous rappelons ceux que nous n’avons pas connus mais qui méritent que l’on se rappelle d’eux, de leur sacrifice, pour que personne ne les oublie. Au nom du devoir de mémoire et du remerciement pour le service rendu à la nation, rendons un hommage solennel aux morts pour la France de notre village, au sacrifice d’une nation qui espère ne connaître jamais un tel conflit.

Sources:

Archives Départementales de l’Indre 2 O/062 art. 7.

Journal du Département de l’Indre du dimanche 6 novembre 1921 p. 1.

C’est pour eux, pour la mémoire de ces soldats parmi les millions de victimes de la Grande Guerre :

AUBARD Claude

BOURDIN René

BERNUT Célestin

BERNUT Clément

BRET Louis

BRULE Marcel-René

BRULE Paul

BALLEREAU Silvain

CANEAU Silvain

CASIMIR Fernand

COULEAUD Emile

CARMIGNAT Henri

DENIS Joseph

DULIS Honoré

DUTRAIT Adolphe

DUCOUDRAY Albert

EPIPHANIE Louis

FIOT Octave

GADEFAIT Pierre-Albert

GATEAU Clément

GATEAU Henri

GUILBAUD Camille

GUILBAUD Charles

GUILBAUD Victor

GUILBAUD Frédéric

GUOTON Jean

JOURNAUX Camille

LAGAUTRIERE Jean

LEBLANC Arsène-Edouard

LEBLANC Frédéric

LEBLANC Henri

LOISEAU André

MICAT Félix

MONSACRE Alphonse-Anatole

MASSICOT Henri

NICOLAS Emile

PATRAUT Georges

PATRY Henri

ROUTET Julien-Lucien

SAUZET Eugène

SAUZET Emile

SIMMONET Clément

VILLENEUVE Louis

Mairie de cuzion

suivez l'actualité de la commune

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Avril 2024


 

 

 

 

Ceci fermera dans 0 secondes