La tuilerie Lacrocq à la Grande Lande, une affaire de famille
Plus d’un siècle et demi de fonctionnement
Entre 1828 et 1996, 168 années se sont écoulées, au cours desquelles les générations Lacrocq se sont succédé pour assurer le fonctionnement d’une entreprise familiale prospère, avant que son dernier représentant, André, ne cède la gérance à Roland Piget, en 1987.
Jean-Baptiste, pionnier de la famille
C’est aux abords du stade de Cuzion,- que les anciens appellent toujours « la tuilerie », que Jean-Baptiste Lacrocq, né en 1804, creusois de Felletin, reprend en 1828 des locaux existants. Malheureusement, le filon d’argile s’épuise assez rapidement et c’est à La Grand-lande que Jean-Baptiste crée sa propre affaire. Dès lors, ils seront sept à se succéder pour assurer la continuité de cette imposante fabrique de briques et de tuiles.
Six hommes et une femme pour un bel exemple de développement durable avant l’heure
C’est Eugène Lacrocq, né en 1836, qui succède à Jean-Baptiste pendant plusieurs années. Puis Jean préside aux destinées de l’entreprise jusqu’à son décès à l’âge de 30 ans. Son frère Paul, né en 1878 assure alors la continuité. Marié à Rose Chaumette, c’est cette dernière, à la disparition de son époux qui tient les rênes de 1929 à 1933. Formé à bonne école, Roger Lacrocq, né en 1904, consacrera sa vie à la continuité et à la modernisation de l’entreprise, de 1933 à 1970, bien secondé par son fils André, né en 1927, qu’il a préparé à sa succession. Car c’est à André, aujourd’hui à la retraite, qu’il reviendra de clore la saga des Lacrocq, de 1970 à 1986. Toujours bon pied bon œil, André se plait à évoquer les souvenirs du passé, avec émotion, nostalgie et tendresse.
Répondre aux besoins d’une société en constante évolution
Les conditions de travail étaient rudes. L’argile était extraite initialement à la pelle et à la pioche. Le tractopelle n’est apparu qu’en 1952. Durant les 3 mois d’hiver, on stockait l’argile sur place et on l’utilisait au fur et à mesure des besoins. Ensuite, la terre était versée dans une fosse, écartée puis trempée. Le lendemain, elle était sortie et le mouleur en retirait les cailloux avant de la mettre dans les moules, environ 2000, le jour où il fabriquait, posés deux par deux à même le sol. Joseph Alhéritière, le plus célèbre mouleur de l’entreprise, avait été recruté à la foire de Chénérailles. Il travaillait avec les autres mouleurs du 1er mars au 30 novembre, jour de la fête des tuiliers mais aussi de la saint André (décidément Roger n’avait rien laissé au hasard).
Une modernisation nécessaire
La première presse est apparue vers 1900. Achetée par Jean, elle fonctionnait manuellement et imprimait le nom des Lacrocq sur les briques. En 1923, les premières machines, mouleuse et broyeur notamment, apparaissent et facilitent considérablement les conditions de travail. Elles ne cesseront de s’améliorer au fil des années. Ensuite le séchage s’effectue sous les halles pendant au moins un mois avant que les briques et les tuiles ne soient passées au four.
La règle des trois trente
La cuisson est une opération qui se fait cinq à six fois dans l’année. A l’origine, elle a lieu dans un four de type romain de 2,60 m de largeur et de 4,00 m de longueur, toujours existant de nos jours. 500 fagots extraits de la forêt du Faisceau et six stères de bois étaient nécessaires à la cuisson. Par la suite, la scierie Robert, d’Ardentes, fournissait les chûtes de grumes. 30 stères de bois étaient consommés à chacune des cuissons qui duraient 30 heures pour 30 tonnes de briques ou de tuiles à cuire. Ensuite, il y eut un four de type vendéen, en 1955, qui fonctionnait au bois et au mazout. Plus tard, apparut un four à gaz de 9 mètres cubes (environ 6 tonnes de marchandises) dans lequel les matériaux à cuire étaient acheminés par wagons. La cuisson y était plus rapide.
De nos jours, d’autres matériaux ont remplacé les briques et des sept tuileries qui fonctionnaient dans le secteur en 1935, il ne subsiste, malheureusement pour la plupart, que des vestiges.
Aujourd’hui…
Mémoire vivante de ces lieux, André Lacrocq entretient les souvenirs d’une époque aujourd’hui révolue. Des 600000 tuiles plates ou galbées (tuiles sèches de trois jours auxquelles on donnait un galbe et qui étaient entassées en ailes de fougères), et 300000 briques qui étaient fabriquées chaque année, il reste encore des exemples qui remontent à travers le temps, témoins de la modernisation galopante du 20ème siècle. Devenu un véritable lieu de mémoire, le site mériterait d’être « relooké » et ouvert à la visite… Pourquoi pas ?
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