Par Roger Leroy, issu d’une histoire vraie racontée par Pierre Leroy à ses enfants et voisins.

L’histoire se déroule un soir de novembre dans le bourg de Cuzion, quelques années après «la guerre 14».  A cette période les jours sont courts. Ce soir-là avec  un sombre temps gris d’automne il fait déjà nuit lorsque Pierre Simonet rentre des champs après avoir donné un peu de foin à manger à ses moutons. Pierre, c’est le mari de « la Claire » une femme de caractère bien connue dans le bourg. Comme la plupart des jeunes hommes de la commune, Pierre a été mobilisé durant la Grande Guerre. Beaucoup sont restés là-bas sur les lieux de bataille, lui a eu de la chance, il est revenu. Mais il est revenu bien «abîmé» par les gaz toxiques respirés dans les tranchées qui lui provoquent de fréquents états d’agitations.

A peine arrivé « à la maison » la Claire vient vers lui : « Pierre, l’Adolphe à la Joséphine est bien malade, ils ont été obligés d’appeler le médecin qui est passé aujourd’hui. La Pauline  va venir lui faire des piqures mais il faut aller tout de suite chercher les médicaments à Eguzon. Il n’y a que toi qui peut y aller maintenant, mais comme il fait déjà nuit, tu vas pas faire le chemin tout seul à pied, va donc demander au père Vinchon de t’accompagner ! ».

A cette époque de l’histoire outre le dénuement qui régnait après-guerre dans la plupart des familles, les routes et chemins dans la commune n’étaient pas aussi bien faits que maintenant, et la « route aux lapins » qui passe au « fer à cheval » n’existait pas encore. Pour se rendre à Eguzon, il fallait prendre un chemin qui descendait vers la Creuse par le château de Châteaubrun, traverser le ruisseau entre Châteaubrun et Cuzion-le-Vieux,  gagner le Ponts des piles puis remonter vers Eguzon. Et c’est ce parcours qu’il fallait faire à pied ce soir-là, aller et retour.

Sur les conseils de son épouse,  Pierre se rendit donc  quelques maisons plus loin chez le père Vinchon (père de l’Eva Durand pour ceux qui ont  connu). Vieil homme calme, tranquille, de bonne volonté, le père Vinchon accepta naturellement d’accompagner Pierre à Eguzon. Un peu stressé par l’aventure, Pierre qui connaissait bien le père Vinchon, lui demanda s’il ne serait pas judicieux qu’il se munisse de son vieux pistolet ramené d’on ne sait quelle Guerre…! Ainsi le voyage serait plus sûr, car en ces temps de misère, il n’était pas rare de rencontrer quelques mendigots belliqueux… !  Le père Vinchon lui répondit qu’il n’était pas utile de s’armer pour un tel voyage, et pendant que Pierre sortait,  il glissa néanmoins le pistolet dans son grand pardessus en laine.

Et ils partirent pour Eguzon, la nuit était noire, pas d’éclairage, pas de lune.

Arrivés en bas du chemin de Châteaubrun, il fallait passer par un gué fait de  grosses pierres et de quelques planches de bois posées grossièrement, qui permettaient de traverser le ruisseau plus facilement.  Comme il avait plu les jours précédents, on entendait le bruit d’écoulement de l’eau. Par contre, dans ce fond de vallée encaissée et boisée, si nos deux voyageurs entendaient bien, ils ne voyaient pas grand-chose, et surtout pas l’emplacement du gué.

Pierre s’avançait de ci de là, tendant une jambe, un pied, une oreille… pour essayer d’intercepter un commencement de gué…mais rien ! Peu à peu l’agitation l’envahit, il s’énervait, gesticulait, jurait, mais…ne trouvait toujours pas !

Derrière lui, le père Vinchon, immobile dans le chemin, attendait, attendait, attendait !

Au bout d’un moment, considérant sans doute que les recherches vaines avaient assez duré, le père Vinchon sortit son pistolet, s’approcha de Pierre toujours très affairé sur le bord du ruisseau, et le bras tendu vers le ciel, fit feu.

Une grande flamme éclaira la nuit tandis qu’une violente déflagration déchirait le calme nocturne.

Ce fut pour Pierre comme un départ de 100m aux jeux Olympiques, il traversa le ruisseau d’un trait, sans même toucher l’eau. Se remettant à peine de sa grande frayeur sur la rive opposée, il balbutia vers Vinchon : »…bon Dieu d’bon Dieu, père Vinchon, vous avez failli me faire noyer ! »

–       « Oui mon innocent répondit tranquillement Vinchon, dans 20 centimètres d’eau !… »

La lumière de la flamme du pistolet avait subrepticement éclairé les lieux et l’emplacement du gué fut enfin trouvé !

Ainsi nos deux amis purent continuer leur chemin vers Eguzon… et rapporter les médicaments tant attendus… !

(Certains prénoms ont été modifiés)

Mairie de cuzion

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